Comment entrer en contact avec les divinités et l'au-delà ?

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11/23/20258 min read

Comment entrer en contact avec les divinités et l’au-delà ? oracles, nekuia et catabase.

Les convergences et interférences entre le monde des divinités et celui des mortels de l’Âge de Fer sont nombreuses. On peut évidemment entrer en contact avec les divinités. Dans la plupart des cas, l’initiative en revient à la divinité elle-même : elle choisit d’apparaître à un mortel, souvent pour l’aider, l’avertir d’un danger, le conseiller. C’est ainsi qu’Athéna apparaît souvent à Ulysse et l’aide dans son périple pour qu’il puisse échapper aux dangers et réussir à rentrer chez lui. Elle aide, de même, Télémaque. Hermès se joint à elle pour aider Persée parti à la recherche des Gorgones et bien décidé à rapporter la tête de Méduse.

Mais les dieux n’apparaissent pas dans leur splendeur : elle est, en effet, insoutenable pour les mortels. Sémélé, la mère de Dionysos, meurt foudroyée car elle a demandé à Zeus, son amant et père de son enfant, d’apparaître devant elle dans toute sa splendeur : le dieu s’exécute, avec foudres, tonnerres, flammes, tous phénomènes insupportables pour un mortel.

Les dieux revêtent donc l’apparence d’autres mortels pour se montrer : la déesse Athéna prend l’apparence d’une vieille femme quand elle vient voir Arachné. Déméter, égarée sur la terre à la recherche de Perséphone, sa fille, fait de même. Athéna prend aussi l’apparence de Mentor, le vieux précepteur de Télémaque, au retour d’Ulysse. Quant à Hermès, c’est souvent en bel adolescent qu’il paraît.

Mais, même sous ces apparences humaines, les divinités n’en restent pas moins reconnaissables : elles sont plus hautes que les simples mortels et répandent, à leur passage, un parfum des plus agréables.

Parfois, souvent même, les divinités n’apparaissent pas et il faut les solliciter : le moyen le plus efficace reste de consulter les oracles. Les oracles sont les propos, souvent chiffrés, codés, des dieux quand ils répondent à une question. Ils passent par des truchements divers : ainsi Zeus rend des oracles par le biais de récipients accrochés aux chênes de son sanctuaire, à Dodone. Le bruit des ustensiles dans les arbres transmet le message du dieu.

Apollon parle par la bouche de la Pythie, une femme qui entre en transe dans son sanctuaire, à Delphes, dans la région de la Phocide. Assise sur un trépied sacré, elle inhale des vapeurs qui s’exhalent d’un gouffre.

Asclépios apparaît en songe aux mortels qui passent une nuit dans ses sanctuaires où un portique est aménagé pour les recevoir.

Les messages des dieux ne sont jamais très clairs, ni explicites : ce sont des propos mystérieux qu’il convient de déchiffrer sans se tromper. Les dieux peuvent également envoyer des signes de mise en garde : Dionysos transforme en lierre le mât du navire des pirates qui l’ont fait prisonnier. Dans L’Odyssée, ce sont les viandes des troupeaux du dieu Hélios qui se mettent à meugler.

On peut aussi entrer en contact avec les divinités chthoniennes en descendant les trouver aux Enfers. L’entreprise est risquée : certains, comme Pirithoos, n’en reviennent pas. Il est toujours assis sur un siège au royaume d’Hadès. D’autres sont descendus et remontés comme le poète Orphée pour aller chercher sa bien –aimée Eurydice, Thésée pour aider son ami Pirithoos, Héraclès pour aller chercher Cerbère. Le jeune Dionysos aussi est descendu aux Enfers : il désirait plus que tout voir sa mère qui n’avait pas survécu aux tonnerres et foudres de Zeus. Il décida donc d’aller la chercher aux Enfers ; Thanatos céda devant son insistance et lui rendit Sémélé. Elle fut accueillie dans l’Olympe où il la mena et, quoique mortelle, elle fut acceptée parmi les dieux en tant que mère d’un dieu. La descente aux Enfers est la catabase. Quand on a la chance d’en remonter, on parle d’anabase.

Moins risqué : on peut également consulter des devins pour connaître la volonté des dieux. Les grandes cités ont leurs devins, des personnages souvent au-dessus des turpitudes humaines. Trois célèbres devins sont Calchas, Tirésias et Amphiaraos. Tirésias est le devin officiel de Thèbes. Sa vie est longue et il conseille plusieurs rois.

Mais son don est, à l’origine, dû à une punition dont il existe plusieurs versions. Alors qu’il était tout jeune, il surprit sans le vouloir Athéna se baignant. La déesse ne le supporta pas et le rendit aveugle. Sa mère, la nymphe Chariclo, supplia la déesse d’être clémente : Athéna atténua la punition en lui donnant la capacité de comprendre les oiseaux et en allongeant sa vie. Une autre version raconte que Tirésias fut transformé en femme par deux serpents qu’il avait blessés pendant leur accouplement. Il redevint homme sept ans plus tard en réitérant le même geste contre les serpents. Zeus, alors, et Héra le prirent pour arbitre pour savoir lequel de l’homme ou de la femme ressent le plus de plaisir dans l’acte sexuel. Tirésias fâcha Héra par sa réponse et la déesse le frappa de cécité. Zeus tenta d’atténuer le châtiment en lui donnant le don de prophétie et en allongeant sa vie.

Tirésias révèle l’origine divine d’Héraclès, soutient Dionysos quand il veut instaurer son culte à Thèbes ; il est aussi le devin durant le règne d’Œdipe. Il meurt pendant l’attaque de Thèbes par les Epigones. Mais malgré sa mort, il conserve aux Enfers la faculté de prophétie.

Un autre devin, qui prend part à l’expédition des Sept contre Thèbes, est le devin argien, Amphiaraos. Il est aimé de Zeus qui le protège. Amphiaraos sait que nul chef ne reviendra de l’expédition, aussi se cache-t-il pour y échapper. Mais sa femme le trahit et il est obligé de partir. Pour lui éviter une fin plus funeste, Zeus l’engloutit avec son char.

Calchas est le devin des Grecs pendant la Guerre de Troie, c'est lui qui leur a révélé que seul Achille prendrait Troie. Il est à l’origine du sacrifice d’Iphigénie. Il voit aussi que le retour sera difficile et qu’il vaut mieux choisir la voie terrestre. C’est d’ailleurs ce qu’il fait lui-même.

Il rencontre lors de son retour, dans la ville de Mopsueste, le petit-fils de Tirésias, le devin Mopsos dont les parents sont Apollon lui-même et Manto, la fille de Tirésias. Tous les deux s’affrontent, seul Mopsos est vainqueur : Calchas alors se tue. Mais le seigneur des mondes souterrains, Hadès, le fait revenir à la vie, après dix ans de mort.

Deux autres devins sont tout aussi célèbres, mais moins écoutés, du moins pour l’une d’eux : il s’agit des jumeaux Hélénos et Cassandre. Tous deux sont des enfants de Priam. Ils doivent leur don de prophétie à Apollon ; en échange, le dieu leur avait demandé de se donner à lui. Cassandre a accepté le don, mais refusé d’en payer le salaire : furieux, Apollon l’a condamnée à n’être jamais crue. Son frère a, quant à lui, bien gardé son don de prophétie intact. C’est lui qui avertit les Troyens qu’un grand malheur surviendrait à l’issue de l’expédition qu’avait organisée Pâris en Grèce, au prétexte de voir sa tante Hésione.

A la mort de Pâris, il est furieux qu’Hélène soit accordée à son frère Déiphobe et il s’enfuit sur le proche mont Ida. Ulysse le fait prisonnier et Hélénos révèle aux Grecs que seules les flèches d’Héraclès, détenues par Philoctète, permettront de prendre la ville de Troie.

Hélénos est globalement bien traité par les Grecs. Néoptolème, le cruel fils d’Achille, lui est infiniment reconnaissant de l’avoir prévenu d’une tempête en mer et lui donne, en gratitude, Andromaque après la prise de Troie. Il fait même d’Hélénos son héritier. Avec Andromaque, Hélénos construit en Epire une cité qui se veut la réplique de Troie.

Cassandre a une destinée bien plus sombre que celle de son frère jumeau. Cassandre est d’une beauté étourdissante et son don de prophétie est puissant. Mais personne ne la croit. Elle prédit que la venue d’Hélène est une catastrophe pour Troie, que le cheval de Troie est un piège : en vain ! Cassandre fait aussi le malheur, involontairement, des hommes qui l’approchent : ses deux fiancés successifs, Corèbe et Othryonée, meurent au combat.

Cassandre est violée par Ajax le petit (par opposition à Ajax le Grand, fils de Télamon) dans l’enceinte même du temple de Zeus, alors qu’elle se réfugiait en tenant le Palladium. Mais sa fin fut encore plus cruelle : devenue captive d’Agamemnon qui la ramène à Mycènes, elle est assassinée, dans le même temps que le roi, par Clytemnestre. La prophétesse avait vu auparavant sa mort et celle d’Agamemnon.

Tout le monde ne possède pas le don de divination offert par les dieux à un mortel ; pour entrer en contact avec l’au-delà, il existe une dernière méthode, utilisée par Ulysse dans L’Odyssée : la nekuia. Il s’agit de l’invocation des morts qui montent des Enfers. Désireux de revenir chez lui, mais victime de la vindicte de Poséidon, Ulysse décide d’interroger le devin Tirésias. Ce dernier est mort depuis longtemps, mais a conservé, nous l’avons vu, son don de prophétie même au royaume des morts. La magicienne Circé indique à Ulysse comment procéder.

Il se rend au royaume des Cimmériens, aux limites du monde, son navire chargé d’un troupeau de béliers. Ulysse creuse une fosse, y fait des libations, des sacrifices de liquides, avec du lait au miel, du vin doux et de l’eau, et appelle les morts qui s’approchent. Puis il fait sacrifier les béliers par ses compagnons et laisse le sang s’écouler dans la fosse afin que les morts s’abreuvent et retrouvent une certaine forme de vie. Ulysse reconnaît d’abord un de ses compagnons perdu sans sépulture, Elpénor. Ce sont ensuite les mères des héros tombés devant Troie, ainsi que sa propre mère qui arrivent. Il voit les grands héros, Tirésias, et même les célèbres condamnés comme Orion, Tantale. Comme les morts deviennent trop nombreux, Ulysse met fin à la nekuia et s’enfuit.

Les Mystères

Les « mystères » avaient un sens bien différent que le mot actuel. Il s’agissait, dans l’Antiquité, de rejouer, selon une périodicité définie, la vie de divinités ayant connu une expérience de résurrection : Perséphone enlevée par Hadès, Dionysos, Osiris.

Les Mystères étaient des cérémonies secrètes, à plusieurs niveaux : les initiés juraient de ne pas en révéler le contenu et ils ont tenu parole … on ne sait pas exactement comment se passaient ces cérémonies au-delà d’un certain niveau accessible à un grand nombre de personnes : d’où l’évolution du mot « mystères ».

Des Mystères célèbres sont ceux de Déméter et Perséphone dans un dème, une subdivision, d’Athènes, à Eleusis. On y rejouait l’enlèvement de la reine des Enfers, ses retrouvailles avec sa mère et son retour dans l’Olympe une partie de l’année. Les Mystères avaient une très grande popularité et témoignent de la montée d’une préoccupation de plus en plus prégnante sur le devenir après la mort.